tu te meuves en silence. animée par quelque chose. habitée par l'envie de faire bien. de faire mieux. les membres secoués par une allure lente et mesurée, tu te laisses porter par la brise nocturne et en savoure l'étrange parfum.
celui des tiens.
il traîne un peu partout, synonyme de passages réguliers. il témoigne de la vie qui ébranle ton foyer; de son absolue ferveur et de leurs poumons qui respirent le même air que toi. tu inspires longuement, comme pour t'imprégner de leurs odeurs entêtantes. certaines sont connues, d'autres moins. la faute à ceux qui, forts et épargnés par la douleur, ne te rendent que peu visite dans ton repaire où les plantes sont maîtresses. tu lances des œillades aux alentours, à la recherche de quelque chose d'important.

tu embrasses le paysage nocturne de tes billes couleur d'hiver. un sourire se dessine sournoisement sur tes babines; tu te sens chanceuse aujourd'hui. les douleurs apaisées -malgré la pénombre qui squatte toujours les bords de ton champ de vision- tu ne peux que danser sur la pelouse givrée et darder tes prunelles écarquillées sur l'univers qui t'entoure.
c'est là que tu les remarques.
tu réfléchis un instant à ce que ça peut être, inquiète. et le naturel se dépêche au galop pour te frôler. des fleurs de sureau. tu te dresses sur tes postérieurs et te tords jusqu'à attendre les branches les plus basses. tu n'es ni féline ni agile, tu te contentes de tes maigres capacités et celles-ci ne sont guère constituées d'un soudain amour pour les hauteurs. tu arraches soigneusement les fleurs encore penaudes et les déposes dans une feuille de bananier prévue pour le transport. heureuse de ta trouvaille, tu refuses de t'en contenter.
tu es persuadée que les dieux se sont amourachés de toi, rien que pour ce soir. tu es décidée à remplir les réserves de la meute.

Un oiseau nocturne émet un sombre cri dans l'obscurité. Tu sursautes et cherches — le temps d'un moment — la bête mêlée aux branches. Un sourire léonin s'empare de ta bouche, tu jappes tout bas. C'est un salut que tu dédies à l'animal d'ombre et à ses funestes projets. Tu ne doutes pas un instant que ses prunelles immenses analysent les mouvements d'une minuscule créature innocente et inconsciente de n'avoir plus qu'une seconde pour respirer.
Tu reprends ta quête silencieuse, à la recherche de nouvelles médications pour le clan. Et tu avances.